Le lobbying des pères en haut des grues

Le lobbying des pères en haut des grues

Le lobbying des pères en haut des grues

Civilisation Mis en ligne le 18/02/13 Rédaction par Isabelle Germain

Les Nouvelles News

En se perchant en haut de deux grues, deux activistes de l’association “SVP Papa” réussissent une opération de lobbying… Fera-t-elle long feu ?

Ils sont deux pères privés de voir leurs enfants et crient leur désespoir du haut de deux grues à Nantes depuis vendredi. Emotion garantie. Illico, les médias s’installent au pied des engins et suivent, minute par minute les revendications des acrobates. Illico aussi, le Premier Ministre demande à la ministre de la Justice, Christiane Taubira, et la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, de recevoir l’association « SOS Papa et d’autres associations de défense des droits des pères ». Dans quelques jours, le 20 février, “SVP Papa” organise une journée nationale de « manifestation pour les droits des pères » à Nantes, la ville du Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Apitoyer l’opinion

Lobbying réussi. “SVP Papa” soutient les deux hommes, même si l’association s’est désolidarisée quand la situation a tourné au vinaigre, le président ne voulant pas donner l’impression de soutenir un forcené… Peu importe, les escaladeurs de grues ont réussi à apitoyer l’opinion, à faire réagir le Premier ministre et à poser le problème dans les termes qui les arrangent. Leur message : les pères seraient victimes d’une justice qui prendrait systématiquement le parti des mères.

Et les médias de reprendre leur refrain, jouant sur le registre de l’émotion comme ici dans Match : « Un père au bord du gouffre » ou dans La Dépêche : « Le SOS de papas en détresse » Et certains d’en rajouter comme le Figaro qui publie un mini sondage « Divorce : pensez-vous que les pères sont discriminés pour la garde de leurs enfants ? » puis un article dans lequel il traite les membres de l’association « sos maman » de « grues ». I-télé en invite un sur son plateau… Une opération de lobbying rondement menée, donc…

Cas particuliers

Ces pères font de quelques cas particuliers injustes – ou parfois discutables – des généralités. Le premier escaladeur, Serge Charnay, perché depuis vendredi matin, « a été privé de droit de garde mais aussi de droit de visite de son fils depuis deux ans, à la suite d’une condamnation pour, notamment, ‘soustraction d’enfant’ » précise une dépêche AFP. Un article de La Voix du Nord nous apprend qu’il a commis des actes de violence. Dès vendredi soir, la préfecture de Loire-Atlantique lui a apporté « des papiers prouvant qu’il pouvait obtenir une requête expresse pour le réexamen de son dossier dès le 28 mars », une accélération exceptionnelle de la procédure… Mais ce n’était pas suffisant. Ce qu’il veut, c’est l’annulation de la condamnation dont il a été l’objet.

Celui qui l’a rejoint samedi, à l’aube, Nicolas Moreno, résidant en Isère, a déjà fait une grève de la faim de plus de trois semaines en novembre 2012 devant le palais de justice de Valence. Il a été accueilli comme un héros en descendant de sa grue et a pu s’exprimer devant une forêt de micros.

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Ils n’obtiennent pas la garde parce qu’ils ne la demandent pas

Et de jeter en pâture un seul chiffre victimisant encore plus ces pères : dans 77 % des cas, les juges confient la garde des enfants aux mères. Exact… Mais dans plus de 75 % des cas, les pères ne demandent pas la garde. « Et quand ils ne l’obtiennent pas, il y a une raison, nous dit une juge. S’ils sont déchus de l’autorité parentale, il y a aussi une raison, même si nous pouvons commettre des erreurs. » Et de faire partager son expérience : « Lorsque le père et la mère se disputent la garde, je pose la même question aux deux : votre enfant est malade et vous devez impérativement aller travailler, comment faites-vous ? Et le plus souvent, la mère a spontanément deux ou trois solutions possibles. Le père reste sec ou dit : ‘J’appelle ma mère’… Nous devons juger en fonction de l’intérêt de l’enfant… Il arrive que le père soit plus convainquant, mais c’est rare. » Autrement dit, l’absence d’égalité entre parents avant le divorce explique une partie des décisions des juges.

L’égalité à tous les niveaux

Que va-t-il se passer maintenant ? Dominique Bertinotti a fait plusieurs déclarations. L’une d’elles a retenu l’attention des médias en empathie avec les hommes des grues. « On ne peut pas vouloir à la fois l’égalité femme-homme, et en même temps, ne pas entendre les revendications des pères », a déclaré la ministre de la famille à l’AFP TV… Mais sur France Info, elle a montré quelques réserves. Elle veut que les couples qui se séparent recourent plus souvent à la médiation et souligne au passage que « nous avons aussi aujourd’hui trop de familles tenues par des femmes et qui ne reçoivent pas les pensions alimentaires… » Elle semble donc vouloir penser la question en terme d’égalité de façon globale.
Petit à petit, de vieux dossiers remontent, montrant que “SOS Papa” (qui va être reçu par les ministres, avec “SVP Papa” ce lundi après-midi)) par exemple n’est pas blanc blanc. Un de ses membres ayant écopé de 6 ans de prison pour avoir voulu tuer son ex-femme. En creusant un peu, il est facile de voir les dangers de la proposition de loi soutenue par les associations de pères divorcés qui manifesteront le 20 février. Cherchant à rendre obligatoire la garde alternée, cette loi peut devenir dangereuse lorsqu’il faudra fuir un ex-conjoint violent. Mais les victimes de conjoints violents ne montent pas en haut des grues…

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