Il n’y a pas assez de femmes dans la haute fonction publique

Il n’y a pas assez de femmes dans la haute fonction publique

Il n’y a pas assez de femmes dans la haute fonction publique

Le Monde.fr | 25.10.2012 à 15h35

Par Béatrice Jérôme

 “C’est une lutte terrible que doivent mener les femmes pour occuper des postes dans la haute fonction publique”, regrette le député Parti radical de gauche (PRG) du Calvados, Alain Tourret dans un rapport sur “les discriminations dans la fonction publique” rendu public jeudi 25 octobre. M. Tourret a beau relever une évolution “lente” vers la parité, il reste pessimiste.

Si le gouvernement de Jean-Marc Ayrault compte autant de femmes que d’hommes, il ne comporte que six directrices de cabinet pour 38 ministres, remarque M. Tourret. Seuls 20 % des postes sont occupés par des femmes dans les sphères dirigeantes de l’Etat alors qu’elles sont majoritaires dans l’administration. Dans les collectivités territoriales, moins d’un poste de directeur général des services sur dix est occupé par une femme.

La dernière loi sur la fonction publique, votée au printemps sous le gouvernement de François Fillon, impose pourtant, pour la première fois, des quotas dans les nominations des fonctionnaires aux postes de direction ou d’encadrement. Elle fixe pour objectif d’atteindre une proportion de 40 % de nomination de personne de chaque sexe, à partir de 2018. Cette ambition concerne près de 700 postes au sein de l’Etat et plus de 1 200 dans l’administration territoriale. La loi porte aussi sur la fonction publique hospitalière.

SANCTIONS FINANCIÈRES

Pour parvenir à ce taux, la loi prévoit plusieurs étapes : la proportion de nominations de personne de chaque sexe est fixée à 20 % pour 2013 et 2014, puis à 30 % de 2015 à 2017. Le décret d’application fixe des sanctions financières. Pour toute nomination qui empêcherait de respecter cet équilibre, une amende de 90 000 euros sera exigée, en 2018. Ce “tarif” est progressif : en 2013 l’amende sera de 30 000 euros, puis de 60 000 euros à partir de 2015 pour les administrations en infraction.

Mais M. Tourret doute de “l’efficacité de la sanction financière” pour contraindre les administrations à recruter davantage de femmes, car il estime que les ministères préféreront payer l’amende plutôt que de se soumettre à la règle, quitte à récupérer cette dépense sous forme de recettes à la faveur d’une loi de finances rectificative ! Pour empêcher ce contournement, M. Tourret propose une mesure de rétorsion drastique : une pure et simple “annulation des nominations” responsables du non-respect du quota, bien plus dissuasive. Des obstacles juridiques pouvant empêcher d’envisager une telle sanction, M. Tourret suggère que la loi soit modifiée.

Dans son rapport, le député normand se montre tout aussi iconoclaste en matière de gestion des carrières de la haute fonction publique. Pour juguler la fuite des hauts fonctionnaires vers le secteur privé où ils sont attirés par des salaires plus élevés, M. Tourret propose… de supprimer le statut de la fonction publique pour ce type d’emplois. Ainsi, leurs rémunérations échapperaient à la grille indemnitaire qui fixe des barèmes moins élevés que dans le privé. Leurs embauches seraient régies par des contrats fixant pour chaque poste des objectifs à atteindre qui donneraient lieu à des primes, fiscalement imposables, précise-t-il.

Les cadres du privé pourraient aussi se porter candidats à des postes actuellement attribués à des administrateurs civils ou à des inspecteurs généraux, issus de l’ENA. Cette ouverture des plus belles carrières de l’Etat à des transfuges du privé est une proposition qui “risque de faire hurler certains parlementaires de la majorité”, sourit M. Tourret.
Enfin, pour rétablir “l’égalité” d’accès à la vie politique entre les élus venant du privé et du public, l’auteur du rapport propose d’obliger tout fonctionnaire qui serait réélu pour un deuxième mandat parlementaire à démissionner de son poste dans l’administration. Un tiers des députés, rappelle-t-il, sont issus de la fonction publique…

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