POUR UN NOUVEAU TRIBUNAL MORAL

POUR UN NOUVEAU TRIBUNAL MORAL

Publié par Le Nouvel Observateur, 10 mai 2012, n°2479, p. 32

POUR UN NOUVEAU TRIBUNAL MORAL

Quels crimes économiques globaux ? Telle est la question dérangeante que nous adresse Cristovam Buarque, un ancien ministre de Lula. Il pointe la monétarisation des sciences médicales qui se dresse face au droit universel à la santé. Mais aussi, le réchauffement climatique avec la propension de nos économies à émettre toujours plus de gaz à effet de serre. Et la publicité qui rend désirable la surconsommation et le gaspillage, etc. Dans un monde toujours plus interconnecté, des crimes économiques systémiques se répandent.

Alors que s’ouvre bientôt la conférence de Rio sur le développement durable, de nombreuses voix réclament une « justice globale », mais, ni les états, ni les peuples combleront ce vide juridique. Cristovam Buarque invite les consciences globales à recréer un tribunal moral, s’inspirant de l’initiative du philosophe Bertrand Russell contre la guerre du Viêt-Nam. Au-delà de l’urgence, Jean-Paul Sartre y vit la démonstration de la nécessité d’une juridiction internationale des crimes de guerre, un vide comblé en partie par la suite lors de la création du tribunal pénal international.

Quand Sartre comptait sur la presse pour faire le lien entre le tribunal et « les masses », les temps ayant changé, le sénateur brésilien compte sur l’interactivité d’internautes. Mais, à la différence d’une guerre, où des responsabilités sont assignables au sommet de la hiérarchie, la mondialisation économique est l’espace d’un enchevêtrement de décisions.

Le tribunal Buarque statuera-t-il sur les culpabilités de la Banque mondiale et du FMI ? Des 197 entités au centre de la mondialisation économique, si l’on en croit des chercheurs ? De la poignée d’états responsables des quatre cinquièmes des émissions actuelles de gaz à effet de serre ?
La proposition de Buarque provoquera des polémiques à Rio. Elles seront bienvenues tant elles inciteront à confronter mondialisation et morale, d’un point de vue éthique et non plus de celui omniprésent de l’économisme.

Jean-Marc Salmon.
ETOS/Institut Mines-Télécom

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