Lettre à François Fillon

Lettre à François Fillon

Paris, le 4 mai 2011.

M. François Fillon, Premier ministre

Objet : « Accompagnement sexuel » pour personnes en situation de handicap : la France ne peut pas renier son engagement à lutter contre toute forme de proxénétisme.

Monsieur le Premier ministre,

Le Collectif « Handicap, Sexualité, Dignité », qui regroupe des associations et des personnes en lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes handicapées, contre les violences faites aux femmes et pour une société sans exploitation sexuelle, tient à affirmer son opposition au projet de loi visant à créer « un accompagnement sexuel » pour personnes en situation de handicap mettant en cause la législation française sur le proxénétisme.

Cet « assistanat sexuel » conduirait en effet à légaliser des rapports sexuels minutés et tarifés, définition même de la prostitution. Celle-ci étant dépendante d’intermédiaires – famille, institutions médicales … – nécessiterait une dépénalisation du proxénétisme. M. Chossy, député qui défend ce projet de loi reconnait lui-même dans la presse qu’ »il faudra faire évoluer la législation très ancienne sur le proxénétisme et la prostitution ». De fait, tous les pays ayant institué ces « services » (Allemagne, Suisse, Pays Bas) ont aboli l’infraction de proxénétisme et placé la prostitution au rang de « choix ». D’où un essor sans précédent et non maîtrisé de la prostitution et de la traite des êtres humains qui l’accompagne. C’est pourquoi nous dénonçons toute tentative de violation des principes abolitionnistes de la France.

Les personnes et les associations qui défendent le recours à l’assistanat sexuel prétendent fonder leur demande sur « le droit à la sexualité des personnes handicapées ». Or, attribuer à celles-ci un statut particulier dans ce domaine, alors qu’elles sont des citoyennes et des citoyens comme les autres, contribue à renforcer la situation de marginalité qui leur est faite. Le droit à la sexualité ne saurait être invoqué pour une seule catégorie de personnes.

Enfin, dans l’établissement de ces « services » ce sont surtout les femmes qui seraient mises à contribution puisque, dans les pays où ils existent, le recrutement s’opère auprès du personnel paramédical ou de personnes prostituées. De plus, la demande est très majoritairement masculine au nom des prétendues « pulsions » irrépressibles des hommes, qu’ils soient valides ou handicapés. Il en résulte une confusion dans les esprits et une dévalorisation des métiers qui a d’ailleurs conduit un syndicat d’infirmières néerlandaises à mener une campagne dénonçant toute assimilation entre infirmières et prostituées. Alors que des femmes et des féministes ont lutté pour ne plus être corvéables sexuellement ni dans le domaine public ni dans le domaine privé, comment pourraient-elles accepter ce recul de leurs droits, cet enlisement dans une conception archaïque de la sexualité et du rapport à l’autre !?

La société ne saurait se donner bonne conscience en apportant une « solution » marchande donc avilissante aux légitimes désirs d’affectivité, d’intimité, de sexualité des personnes en situation de handicap. C’est d’une reconnaissance globale et d’une entière intégration sociale dont elles ont besoin. Non seulement ce projet est discriminatoire, mais il va à l’encontre des textes internationaux, ratifiés par la France, qui incitent les Etats à décourager toute demande de la part des « clients » de la prostitution.

En conséquence, conformément à ces engagements et à la position abolitionniste de la France, incompatible avec toute organisation de la marchandisation du corps humain et de la sexualité, nous vous prions de bien vouloir nous assurer que vous vous opposerez fermement à tout ajustement, à toute dérogation aux lois françaises de lutte contre le proxénétisme.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien accorder à ce courrier, et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de nos meilleurs sentiments.

Collectif Féministe Handicap, Sexualité, Dignité

Le Collectif est composé des associations suivantes (par ordre alphabétique) :

CPL (Comité Permanent de Liaison des Associations Abolitionnistes)

CATW (Coalition contre la traite des femmes)

CLEF (Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes)

Collectif National pour les Droits des Femmes

CPL (Comité Permanent de Liaison des Associations Abolitionnistes)

Elu-es contre les Violences faites aux femmes

Emission Femmes Libres de Radio Libertaire

FDFA (Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir)

Femmes Solidaires

Genre et Mondialisation d’ATTAC

Le CRI

Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté-France

Mémoire Traumatique et Victimologie

Mouvement du Nid

Osez le Féminisme !

Réseau Féministe « Ruptures ».

Copie à :

Mme Roselyne Bachelot, Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale

Mme Marie-Jo Zimmermann, Délégation aux Droits des Femmes de l’Assemblée Nationale

Mme Michèle André, Délégation aux Droits des Femmes du Sénat

Mme Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, Cheffe de Service des Droits des Femmes et de l’Egalité

Mme Danielle Bousquet, Présidente de la Mission d’information sur la prostitution en France

M. Guy Geoffroy, Rapporteur de la Mission d’information sur la prostitution en France

M. les Présidents des Groupes parlementaires

Députés et Sénateurs

Syndicat de la Magistrature

OCRTEH (Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains)

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