Edito Juillet 2008

Edito Juillet 2008

Edito

Le Comité Permanent de Liaison des Associations Abolitionnistes de la Prostitution (CPL) a organisé, le 31 mai et le 1er juin 2008, à Dijon, un forum-débat intitulé : Penser le « client » de la prostitution : un défi pour l’abolitionnisme du 21ème siècle. Si, en effet, les états se sont intéressés aux proxénètes et aux personnes prostituées, le « client prostitueur » le plus souvent ignoré, déresponsabilisé, constitue le rouage central d’un système dont il est responsable. Quel est l’état des connaissances sur le « client » ? Quelle proposition pour la prévention, la responsabilisation, la pénalisation de ce dernier ?

Il n’est pas entièrement un inconnu puisque des études lui ont été consacrées, en particulier en Suède et, plus récemment, en France : « Les clients de la prostitution. Enquête » (2006) par Claudine Le Gardinier et Saïd Bouamama. Florence Montreynaud, historienne, féministe, a adopté un point de vue complémentaire en présentant les résultats de son enquête sur les motivations « des hommes non-clients ». Elles sont diverses : terreur des maladies, peut des femmes prostituées perçues comme des mangeuses d’hommes, conception exigeante de la sexualité … Seul un groupe affirme sa volonté de rejeter la prostitution pour des raisons éthiques et politiques fondées sur les droits humains fondamentaux, sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les représentations et les mythes entourant la prostitution jouent un rôle capital puisqu’ils contribuent fortement à l’encourager, voire à la justifier. Les ateliers et les communications ont abouti aux mêmes constats : tant que la majeure partie de la société voudra croire que la prostitution est inévitable parce « naturelle », « indispensable » parce que « des hommes en ont besoin », « parce qu’elle a toujours existé », ou pour tout autre prétexte, elle garantira la légitimité du client prostitueur et elle aidera les proxénètes à augmenter leurs profits. Il faut donc lancer des campagnes d’information pour faire connaître la réalité de la prostitution et, en particulier, la violence qui lui est inhérente. En outre, il est urgent d’exiger que les responsables politiques mettent réellement en œuvre les lois, les conventions stipulant que des mesures doivent être prises pour « décourager la demande ».

Qu’en est-il de la pénalisation du « client » ? Selon l’enquête présentée par Mathilde Autin, juriste, les dispositifs juridiques dépendent étroitement de la conception que l’on a du système prostitutionnel. Ainsi, les pays qui pénalisent l’acheteur peuvent être classés en trois groupes : ceux qui se limitent à assurer la tranquillité des habitants, ceux qui luttent contre la traite. Dans ces cas, le débat de fond est escamoté. Seul le troisième groupe (la Suède et l’Ecosse) s’appuie sur le constat que toute forme de prostitution, parce qu’elle est une violence envers les femmes, est incompatible avec le principe de l’égalité entre les sexes. L’adoption de cette législation implique nécessairement une vision politique et une priorité politique.

A la fin du forum, un accord s’est fait sur la nécessité d’établir une loi pénalisant le « client prostitueur ». Le moment est-il opportun ? Selon Claudine Le Gardinier, journaliste, spécialiste du droit des femmes, « la question est au cœur des débats ».. En effet, nous avons certes à lutter contre un puissant système, cependant plusieurs faits ou évènements ont ébranlé les certitudes et suscité des interrogations : l’arrivée des femmes de l’Est, le trafic sexuel des enfants, le scandale des hommes de la KFOR, le mondial du football en Allemagne … En outre, la Hollande qui a légalisé la prostitution, est en plein désarroi. C’est pourquoi il a été proposé de travailler sur l’échec de la législation de ce pays complètement dépassé par l’explosion de la criminalité, le pouvoir des mafias proxénètes liées au commerce de la drogue.

La prostitution doit devenir un tabou et la loi doit construire un interdit à affirmé Wassila Tamzani, avocate, ancienne responsable du programme femmes à l’UNESCO.

Marie-José SALMON
Collectif de Pratiques et de Réflexions Féministes « Ruptures ».
juillet 2008

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