L’édito de Riss sur Charlie Hebdo mercredi 26 septembre 2024
Un symbole
Gisèle Pelicot est devenue un symbole. Désormais, elle incarnera, jusqu’à la fin de sa vie, la victime des violences sexuelles faites aux femmes. C’est la croix qu’elle devra porter, en plus de tous les outrages que son ancien mari lui a fait subir. Refusant le huis clos, elle a courageusement affronté ses agresseurs, la tête haute. Et ce sont eux qui ont dû baisser les yeux et se cacher derrière des masques chirurgicaux pour se protéger d’un virus, absent autour d’eux mais présent en eux. Le courage de Gisèle Pelicot inspirera-t-il à d’autres femmes violées la même détermination de mettre ainsi leurs agresseurs en face de leur culpabilité ? La solitude de la victime est toujours immense, et pour l’aider à affronter l’épreuve de la justice, les soutiens lui sont indispensables.
Devenue le symbole des violences sexuelles faites aux femmes, Gisèle Pelicot sera associée à ce combat pour toujours. Son environnement, ses amis, ses partisans, sans même s’en rendre compte, l’ont assignée à un rôle qu’elle n’avait pas imaginé. Comment pourra-t-elle s’éloigner de ce qu’elle a subi, quand, dans le même temps, on lui demandera de ne parler que de ça ? C’est le dilemme de la victime, prisonnière de sa souffrance, mais aussi du regard des autres, y compris de ceux qui la soutiennent. Objet sexuel entre les mains de ses violeurs, symbole politique entre les mains de ses partisans.
Est-il possible de retrouver une liberté totale après une telle épreuve ? L’esprit de responsabilité impose à la victime de se comporter comme le public l’attend d’elle, comme les autres victimes l’attendent d’elle, comme la justice et la morale l’attendent d’elle. Elle devient la porte-parole d’un combat universel, la preuve vivante de questions sociétales complexes, l’incarnation d’un espoir qu’elle n’a pas le droit de décevoir. Libérée de l’emprise de ses bourreaux, mais écrasée par le poids de son nouveau sacerdoce. Le verdict d’un procès est le début d’une…