Repenser les trois cercles du Développement Durable

Repenser les trois cercles du Développement Durable

Repenser les trois cercles du Développement Durable, par Christian Delarue, in Médiapart, jeudi 31 octobre 2013.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/290913/repenser-les-trois-cercles-du-developpement-durable

Repenser les trois cercles du Développement Durable.

29 septembre 2013 | Par christian delarue

Critique de la figure en trois cercles du Développement Durable. Bricolage sur fond de crise idéologique et de perspective “alter”.

Sur fond de crise de représentation du monde, tant à droite qu’à gauche, on constate un manque de perspectives cohérentes et mobilisatrices destinées au(x) peuple(s)-classe, le tout articulé aux problématiques écologiques. La confiscation économique de la classe dominante est analysée mais paradoxalement c’est encore les hurlements de cette petite minorité de très riches “contre le fisc” que l’on entend. La gauche de gouvernement se tait voire approuve moyenant quelques différences. A l’évidence il y a donc des analyses critiques qui ne passent pas, qui ne sortent pas des cercles “critiques de gauche”.

I – Théorie élaborée et pédagogie difficile.

La perte d’influence des grands projets mobilisateurs des forces sociales de transformation de type socialisme-communisme – projets qui perdurent néanmoins (1) – a débouché en matière d’alternative systèmique sur l’élaboration de propositions alternatives à forte composition technico-intellectuelle mais aussi à faible prise en charge populaire. C’est un problème . Le FN lui ne s’embarrasse pas de ce genre de problème. Les forces de progrès doivent elles essayer de combler l’écart entre la théorie et sa prise en charge par toutes les couches sociales du peuple-classe, y compris les moins instruites, les plus marginalisées. Une aporie?

Les acteurs associatifs altermondialistes (ATTAC, CADTM, etc…), les fondations (Fondation Copernic, Gabriel Péri, Rosa Luxembourg, Transform, etc…) et même certains collectifs (Audit citoyen de la dette publique, Pour un pôle public financier au service des droits, Défense des services publics, etc…) font appel à un corpus scientifique et technique relativement lourd ; même si des courants minoritaires internes et informels continuent de vouloir y inclure des types de société susceptibles de porter comme jadis des aspirations collectives. Ces acteurs sont obligés de continuer à produire de telles connaissances solidement étayées. Ils ne peuvent faire autrement. Pour autant, ils ne manquent pas de remarquer qu’ils n’ont pas l’influence de masse qu’il devrait , hors les courtes périodes de mobilisations collectives, ou se sont les syndicats qui sont à la manoeuvre.

Pour compenser cette perte d’influence pédagogique certains se sont employés à pratiquer le débat à partir de films et d’autres le débat avec des mises en forme pédagogiques (schémas, graffes, sphères, arbre, etc.) qui simplifient le complexe et qui permettent de vulgariser les connaissances des experts de “l’alternative rouge et verte” (pour le dire ainsi trop rapidement). Sur ces schémas simplifiés tout un chacun peut greffer des explicitations, plus ou moins lourdes et complexes en fonction de ses capacités et surtout de l’auditoire, afin de rétablir le complexe et donc le vrai.

II – Apport et critique du schéma du Développement durable.

A – Le développement durable comme notion s’oppose au réductionnisme économique.

L’économie est “réancastrée”. C’est donc un réel avantage à percevoir avant toute critique négative.

Il se veut un processus de développement qui concilie l’écologique, l’économique et le social et qui établit un “cercle vertueux” entre ces trois pôles : c’est un développement, économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Mais ce qui est “économiquement efficace” ne se rapporte pas au tout économique, au tout marché et à l’absence de politique publique. On remarque néanmoins que le cercle démocratique est absent. C’est un modèle mobilisable pour formation en entreprise ou en administration . Et l’absence du volet “démocratie” n’est pas le seul problème.

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Les cercles du développement durable contre un certain réductionnisme économique.

B – Peux-t-on penser le développement durable et l’écosocialisme avec les mêmes cercles ?

Certains pensent que non.

Il se trouve que, dans les discussions à la base, le cercle de l’économie (rose) est très souvent assimilé à la production et aux échanges capitalistes, à l’entreprise capitaliste avec le MEDEF comme porte-parole, les syndicats de travailleurs salariés sont eux dans le “social” avec les altermondialistes qui sont aussi mis (à raison), en plus, dans l’environnemental (vert), l’ESS étant souvent mis dans le recoupement de cercle viable (jaune) et durable (rouge) et dans l’environnemental. Ce qui est certes fort discutable car l’ESS est bien aussi dans le cercle rose de l’économie marchande.

Tout cela permet des débats dont la portée est difficilement appréciable et qui sont bien différents de ceux que les syndicalistes tiennent pour mobiliser les travailleurs dans l’action. Dans ce genre de débat on ne voit pas l’apport fait. Il est réel mais difficile à appréhender. C’est un peu comme le travail de l’infirmière qui ne voit pas matériellement le produit de tout ce qu’elle a mobilisé en termes de soins.

Continuons : Les services publics et la sécurité sociale (généralement placé à tort dans le seul cercle social) produisent de l’équitable (mauve) et du durable (rouge). Le dessin ne permet pas d’expliquer qu’un service public peut produire du viable (jaune). Par ailleurs la production de l’équitable recoupe la misère du social, son rabougrissement et non un véritable Etat social pourvoyeur de droits et de services non marchands à des usagers.

C – Autre interprétation d’un même schéma.

Si ce schéma est toujours utilisé, y compris chez les plus radicaux, c’est alors sous forme d’espaces de conflictualité, d’arènes de rapports de force soit entre l’oligarchie politico-financière et les acteurs du peuple-classe soit entre le capital et le travail. Le peuple-classe, avec ses syndicats, ses associations “alter”, agit dans chaque cercle pour :

1) une autre économie (ESS et économie non marchande des services publics),

2) un social “plein”, non rabougri, non réduit à du caritatif,

3) un environnement respecté et non marchandisé.

Cette oligarchie est petite en nombre mais très puissante en foce car elle dispose d’une couche sociale d’appui faite de hauts cadres technico-scienfiques, d’idéologues hauts placés et de nombreux médias. Certains, après Althusser, évoque les divers appareils d’Etat qui sont, pour partie, autant d’appareils d’influence idéologique à destination des couches populaires.

III – Alterdéveloppement : autre concept, autre schéma.

On trouve aussi un schéma qui pose trois autres cercles qui sont :

1) le Démocratique (acteur : le citoyen du peuple-classe donc ouverture de droits aux résidents étrangers installés sur le territoire national)

2) le Social (Etat social plein, chose des membres du peuple-classe, les droits du travailleur salarié privé et public,),

3) l’Ecologique (la nature, les générations futures).

On a évoqué aussi un temps le “triangle alternatif” fondé sur trois gros piliers : “démocratie, social, écologie” contre l’économie capitaliste productiviste.

Enfin il existent des variantes plus complexes encore qui ajoutent des axes de riposte (étoile oligarchique contre 5 secteurs) : le culturel (politiques de reconnaissance, respect des différences, de la diversité, relativisme culturel, l’antiracisme, l’antisexisme, etc…), le géopolitique (impérialisme et la formule “il y a du nord au sud et du sud au nord”). Mais plus le discours embrasse largement et plus il risque de perdre en bonne communication.

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Puissance de l’oligarchie (au centre)

contre la périphérie : le démocratique, le social, l’écologique, le culturel, les peuples-classe du sud (et certains du nord)

Face au pouvoir oligarchique politico-économique, ordinairement placé au coeur du “cercle économique” (ou elle est en position de force dans les trois catégories de marché ordinairement répertorié : marché des biens et services, marché du travail, marché financier), on trouve donc trois cercles de politiques publiques à mener et d’acteurs sociaux à mobiliser. En effet, l’oligarchie politico-financière agit depuis longtemps en faveur d’une triple réduction :

1) réduction de la démocratie (remplacée par la gouvernance autoritaire qui gonfle l’oligarchie),

2) réduction du social (casse de l’Etat social chose du peuple-classe),

3) réduction de l’environnement et de l’écologie (mépris des rapports du GIEC).

En conséquence, combattre le pouvoir oligarchique prédateur c’est accroître l’espace, la force et le poids des trois sphères que sont le démocratique (on évoque la démocratisation, l’alterdémocratie, la démocratie participative), le social (services publics distributeurs de valeurs d’usage agissant pour les besoins sociaux et la sécurité sociale), l’écologique (transition écologique et autres problématiques écologiques).

Christian DELARUE

1) Je cite quelques perspectives qui perdurent sous : “L’Etat social est tiré sur plusieurs côtés”.

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/250913/l-etat-social-est-tire-sur-plusieurs-cotes

Notes:

2004 : Développement ne rime pas forcément avec croissance, par Jean-Marie Harribey (Le Monde diplomatique)

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/HARRIBEY/11307

Les tensions constitutives du “développement durable” – Fabrice Flipo

http://developpementdurable.revues.org/1041

Geneviève Azam – ministre de l’Écologie de l’altergouvernement –

CADTM – Alternatives écologiques : Sortons de la logique du profit ! Olivier BONFOND

http://cadtm.org/Alternatives-ecologiques-Sortons

Enjeux et limites du développement durable – FGP

http://www.gabrielperi.fr/IMG/article_PDF/article_a679.pdf

Classe dominante et oligarchie contre peuple souverain et peuple-classe : Nouveaux Cahiers du socialisme

http://www.cahiersdusocialisme.org/2012/07/17/classe-dominante-et-oligarchie-contre-peuple-souverain-et-peuple-classe/

L’émergence du concept de soutenabilité

· 1971: Founex ; 1972: Stockholm ; rapport Meadows ; 1974 : Cocoyoc : écodéveloppement

· 1987 : Rapport Brundtland : « Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Deux aspects de la soutenabilité : social et écologique. Mais hypothèse d’une nécessaire croissance économique perpétuelle :

« Aujourd’ hui, ce dont nous avons besoin, c’est une nouvelle ère de croissance, une croissance vigoureuse et, en même temps, socialement et environnementalement soutenable. »

· 1988 : Création du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rapports en 1990, 1995, 2001, 2007

· 1992 : Rio de Janeiro : Agenda 21, Conventions sur le climat, la biodiversité et la désertification, Déclaration sur les forêts

· 1997 : Protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre

· 2002 : Johannesburg : néant

· 2005 : Mise en œuvre du protocole de Kyoto

· 2009 : Échec de la conférence de Copenhague

· 2010 : Échec de la conférence de Cancun

· 2011 : Échec de la conférence de Durban

· 2012: Rio+20

JM Harribey (in lien cité )

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