Le manifeste de la honte et de notre colère !

Le manifeste de la honte et de notre colère !

Le manifeste de la honte et de notre colère !

Un manifeste « contre la pénalisation des prostituées et de leur client » lancé par le STRASS et Act-Up Paris notamment, est depuis quelques semaines proposé avec insistance, à la signature du monde associatif.

Que dit-il ?

Il affirme fort justement que les personnes prostituées ne doivent pas être pénalisées et que le délit de racolage doit être abrogé. C’est vrai, et en effet, abolitionnistes comme réglementaristes s’accordent sur cette mesure, d’ailleurs déjà votée par le Sénat ; il est fort probable qu’elle le sera aussi à l’Assemblée Nationale.

Cette question n’est donc pas polémique, ne fait même aucun doute : il faut abroger le délit de racolage, les prostitué-e-s victimes de violences ne sont pas coupables et ne doivent pas être stigmatisées.

En revanche, ce qui fait polémique, c’est la position sur la pénalisation du client.

Affirmer que la pénalisation du client va renforcer la précarisation des prostituées, les éloigner du système de santé et de la prévention est plutôt fantaisiste. En outre, le tour de force consiste à lier le destin des prostitué-s-e à celui de leurs clients !

Pourtant, il suffit d’y regarder de près : dans tous les pays abolitionnistes, la prostitution qui a amplement diminué, n’a pas disparu au fond des bois, elle a lieu en plein centre-ville. Les prostitué-e-s ont accès aux aides sociales et à la prévention en matière de santé. Logiquement, comme elles ne sont plus dans la clandestinité, elles peuvent imposer plus facilement le port du préservatif et surtout porter plainte en cas de violences. En réalité, l’abolition inverse la charge pénale et la reporte sur le client et d’ailleurs, toute personne un tant soit peu sensée le sait, ce qui met toute personne prostituée en danger, c’est le risque induit par le fait d’être seule et vulnérable avec le client, que ce soit dans la rue, dans une voiture, dans un appartement, ou dans un bois. Peu importe le mode de rencontre, le danger c’est le client lui-même !

Les clients prostitueurs qui consomment du sexe tarifé enrichissent les proxénètes sur le dos de femmes le plus souvent pauvres, racisées et/ou violentées dans leur jeunesse. La demande du client est à l’origine du système prostitueur, 3e marché criminel mondial. Une économie criminelle coupable de violences inouïes à l’encontre de femmes et d’enfants déplacés, dressés, violés, torturés. Pourquoi tant d’indulgence à leur égard, pourquoi cette impunité alors que la prostitution est bien une violence sexuelle ?

Alors, commencer ce manifeste en posant « quelle que soit notre position sur la prostitution » pour finir par amalgamer une position sur la pénalisation des prostituées avec une position sur la pénalisation du client alors que les deux peuvent parfaitement diverger, n’est pas très honnête. Mais de la part d’un lobby pro-prostitution est-ce étonnant ? Comment peut-on ainsi se laisser abuser par un groupuscule essentiellement constitué de « dominas » masculins qui soumettent d’autres hommes et ne représente en rien l’écrasante majorité des femmes prostituées ?

Mais surtout, rien n’est dit des constats catastrophiques et alarmants des pays qui ont légalisé la prostitution et s’inquiètent désormais de la situation qu’ils ont pourtant installée. Ces pays sont débordés par des mafias proxénètes de plus en plus puissantes, la traite s’est intensifiée, les profits financiers sont gigantesques. L’exploitation des personnes prostituées est grandissante : on constate un développement des pratiques de plus en plus violentes et dégradantes, avec des prix au rabais, des femmes soldées. Il faut lire les dossiers des magazines allemand « Der Spiegel » et hollandais « De Volkskrant » pour s’en convaincre et comprendre de quoi il est vraiment question.

La France, pays abolitionniste va-t-elle à son tour s’engager dans cette voie ? Il serait temps d’adopter une politique responsable, de combattre cette violence patriarcale et de voter une loi globale afin de : renforcer la lutte contre la traite, abroger le délit de racolage, adopter de sérieuses alternatives sociales ; lancer des actions de prévention et d’éducation et pénaliser le client. Eduquer au respect du principe d’inaliénabilité de l’être humain et à l’égalité femmes-hommes, c’est le rôle de l’état, pas de renforcer le proxénétisme !

Nous en avons assez que le slogan féministe des années 70 « liberté de disposer de son corps», soit récupéré par des lobbys aux fins de marchandisation. Nous en avons assez des récupérations successives de nos luttes, assez de la culture du viol et des ravages de la libéralisation de la prostitution !

Que des groupuscules de la nébuleuse radicale libertarienne, Verts en tête, des associations de santé communautaire, aient signé ce Manifeste ne nous surprend guère. En revanche, d’autres signatures sont plus étonnantes. C’est vrai de nos jours, Internet est devenu le lieu d’une mobilisation perpétuelle et il est possible de signer chaque jour nombre de pétitions, sans guère avoir le temps de les lire toutes en détail.

Tout de même, signer c’est s’engager, alors, je demande à tous les signataires de cette pétition d’assumer leur soutien et de m’expliquer, nous expliquer, pourquoi, aux côtés de petits entrepreneurs libéraux et d’un lobby ultra-minoritaire, ils jugent bon, sur le dos des femmes exploitées et violentées dans la prostitution, de s’ériger en défenseurs de la domination masculine, du libéralisme et du système patriarcal ?

Christine Le Doaré

Paris, 25 juillet 2013.

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