Guerre civile en Syrie : « Penser librement »

Guerre civile en Syrie : « Penser librement »

Guerre civile en Syrie : « Penser librement »

par Philippe Tancelin, poète philosophe

La guerre civile que traverse la Syrie, sous la tension d’une légitime contestation de son régime, mêlée à une instrumentalisation géopolitique de celle-ci par l’occident (Europe en tête), crée on le sait des fractures dans les gauches du monde arabe (cf. article du monde diplomatique août 2012), mais également dans le Front anti-impérialiste européen.

Ainsi ne manque-t-on pas de voir au sein des gauches et extrêmes gauches européennes et en particulier en France, s’opérer des partitions qu’on n’aurait jamis su imaginer jusqu’alors et que l’invasion de l’Irak en son temps, n’avait même pas pu révéler.

Que se passe-t-il donc que certains « anti-impérialistes » de tous poils ne parviennent à comprendre ce qui se passe vis-à-vis de la Syrie ?

La complexité de la société civile Syrienne, à travers les communautarismes radicalisés qui la hantent et la non expérience politique d’une opposition démocrate qui la fragilise, empêche-t-elle les intelligences éclairées en France, de discerner les priorités ?

Depuis quand le soulèvement pacifiste d’un peuple qui pose la question de sa souveraineté contre un régime autoritaire, ferait-il taire et se pâmer devant lui, les intérêts d’un impérialisme dont on connaît depuis tant d’années les crimes, la puissance d’affamer des populations, la technique de paupérisation d’une toujours plus grande partie du monde qu’il soumet ?

Depuis quand les libertés et les valeurs universelles de l’humanisme qui exhortent au renversement des autoritarismes locaux, ne se heurteraient-elles plus aux pratiques liberticides et à la gestion « belligêne » des conjonctures selon un plan mondialiste du concept de démocratie ?

Depuis quand les intérêts des peuples souverains passeraient-ils avant les intérêts des monopoles ?

Depuis quand le partage terrestre des richesses naturelles l’emporterait-il sur le profil particulier de la grande finance mondiale ?

Depuis quand enfin le sourire libre d’un enfant du tiers et du quart monde saurait-il émouvoir les auteurs de sa mendicité ?

Comment nos consciences, notre lucidité, notre intelligence, notre sensibilité aux turpitudes du système impérialiste contemporain, se contentent-elles de l’information univoque qui sévit depuis plusieurs mois sur les évènements de Syrie.

Il n’y a pas de choix prétendument moral et douloureux à faire entre un régime autoritaire qui torture ses sujets, et un impérialisme qui homogénéise le monde jusqu’à sa fin au nom du progrès, du développement de son profit à court terme. Il n’y a que le choix au nom du progrès, du développement de son profit à court terme. Il n’y a que le choix historique d’un peuple en devenir, un peuple en quête de sa liberté dans ses propres valeurs, ses propres repères culturels, esthétiques, politiques, religieux. Et il y a contre un tel choix, celui d’une ingérence extérieure qui voudrait assimiler ce devenir libre du peuple, à son programme d’uniformisation économique mondiale et est prêt pour cela à réaliser tous les compromis historiques avec les forces réactionnaires des intégrismes collaborateurs et obscurantistes.

Le devenir démocratique du peuple syrien passe indéfectiblement par l’autonomie de sa résistance. Celle-ci ne saurait être instrumentalisée par des forces extérieures dont on connaît les intentions méprisantes de la souveraineté des peuples.

Alors un peu de courage et de risque sur le devenir de la liberté ! Mesdames et Messieurs les anti-impérialistes de France et d’ailleurs, le temps n’est pas au schisme mais au partage, à l’échange libre de l’information sur ce qui se passe en Syrie depuis ce qui est ourdi hors d’elle, loin de son peuple et de ses contradictions.

Le temps est au discernement hors des appartenances à des lignes, à des motions, intra-partisanes. Le temps est à la liberté de ne plus être décidés de choisir entre « la peste et le choléra ». Le temps est à la pensée libérée de toutes ses fausses libres pensées, conduites par l’univocité d’un bien penser ambiant.

Paris 3 septembre 2012.

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