Le voile menace l’universalité du sport

Le voile menace l’universalité du sport

Le voile menace l’universalité du sport

La décision de la Fédération internationale de football association (FIFA)
d’autoriser les femmes à porter le voile en compétition officielle, à quelques
jours de l’ouverture des Jeux olympiques (JO) de Londres, est une mesure
historique, exceptionnelle et sans précédent dont il faut pouvoir mesurer la
portée, notamment sur le vivre-ensemble dans nos villes, particulièrement
en France. Dans le même temps, la première participation d’une athlète
saoudienne à ces JO montre une volonté forte du monde arabe de
proposer, ou d’imposer, un autre projet de société par le biais du sport et de la femme.

Ces événements majeurs auront des répercussions certaines, tant dans les pratiques sportives et dans l’espace
public (associations, écoles…) que sur la condition même de la femme. Ces décisions risquent également
d’aggraver les tensions existantes dans les quartiers français et européens, entre les communautés, les
femmes et les hommes, dans un contexte de montée du nationalisme et du communautarisme. La FIFA offre
là aux militants extrémistes une visibilité exceptionnelle, par le biais du football, de faire valoir un contreprojet
de société avec une vision rétrograde de la femme.

Considérons que l’espace sportif est un lieu d’ouverture où les signes religieux n’ont pas leur place, où sa force
même réside dans la diversité des pratiquants (origines et niveaux). On peut donc s’interroger sur la portée
de ce choix dans les clubs de football. La possibilité, demain, de porter un voile, plus ou moins obligatoire,
marquera là une différence notoire entre pratiquantes et rendra complexe l’espace unique de rencontres que
représente encore aujourd’hui le club. Un président de club de foot de la banlieue lilloise, où un quart des
adhérents sont d’origine maghrébine, me précisait dernièrement : ” Il y aura, avec cette règle, une pression
importante des familles ou des groupes externes au club pour que les jeunes filles puissent jouer avec le
voile, ce qui rendra délicat le travail des éducateurs. ”

Les défenseurs de cette règle, comme le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge,
avance l’argument du développement de la pratique féminine dans le monde musulman. Mais de quelle
pratique féminine parle-t-on ? Celle que nous propose le responsable du sport du royaume d’Arabie saoudite,
qui annonce que, pour participer aux Jeux olympiques, toute athlète devra s’engager à respecter trois règles :
la première condition est qu’elle soit habillée selon les normes de la charia qui interdit la nudité, la deuxième,
qu’elle ait l’accord d’un proche parent, et qu’elle soit accompagnée par lui.

Que va-t-il se passer en France ? L’espace public est régulièrement mis sous pression ces dernières années.
Qu’il s’agisse des demandes de créneaux réservés aux femmes dans les piscines ou des clubs communautaires
qui refont surface, le religieux est de plus en plus présent aux abords du club. Demain, les demandes et les
pressions auprès des directions des sports des villes pourront s’exercer au sein des différents lieux tels que
clubs sportifs, associations, voire établissements scolaires et où les jeunes adolescentes soutenues par des
adultes pourront se prévaloir de cette mesure de la FIFA.
Comment les autres sports vont réagir ? Cette règle pourrait en effet inspirer d’autres fédérations
internationales… Pourquoi la Fédération internationale de handball, qui organisera les prochains
championnats du monde au Qatar, en 2015, ne prendrait pas une mesure similaire ? Une dirigeante d’un club
de handball de la banlieue parisienne a notamment relevé que ses athlètes, à leur retour d’un stage au Mali,
se sont mises à porter le voile alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant.
N’assistons-nous pas tristement à un recul considérable pour l’émancipation des femmes qui jusqu’à présent
était préservée dans les lieux sportifs ? ” On est en train de perdre la bataille de l’universalité du sport.

Derrière cette décision se cachent le mépris des femmes et la suprématie de l’argent “, estime Annie Sugier,
présidente de la Ligue du droit international des femmes.

Face à cette situation d’urgence, les militants du vivre-ensemble, éducateurs, parents, penseurs et dirigeants
doivent s’unir pour proposer des alternatives à cette règle pour le moins inquiétante. Dans le cas contraire,
les pratiques sportives pourraient devenir un espace contrôlé par une propagande prônant un modèle de
société d’un genre nouveau, bien loin de nos valeurs de liberté, de fraternité et d’égalité.

Jean-Philippe Acensi
Délégué général de l’association
Agence pour l’éducation par le sport
© Le Monde

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