Y aura-t-il vraiment des Saoudiennes aux JO de Londres ?

Y aura-t-il vraiment des Saoudiennes aux JO de Londres ?

Y aura-t-il vraiment des Saoudiennes aux JO de Londres ?

25/06/2012 | 16h13

REUTERS/Luke MacGregor

Après des déclarations nombreuses et contradictoires quant à la présence d’athlètes féminines saoudiennes aux Jeux olympiques de juillet prochain, l’ambassade d’Arabie saoudite à Londres vient d’annoncer que la participation des femmes serait autorisée. Une bonne nouvelle certes, mais à prendre avec des pincettes.

L’Arabie saoudite devait être le seul pays, et ce pour la première fois, à ne pas présenter de délégation féminine aux Jeux olympiques de juillet prochain, mais elle semble avoir changé d’avis. Hier, l’ambassade d’Arabie saoudite à Londres a annoncé, via un communiqué, que le Comité olympique saoudien allait “superviser la participation des athlètes féminines qui peuvent être qualifiées.”

Si une femme venait à défendre les couleurs de l’Arabie saoudite, ce serait une première puisque les compétitions sportives sont interdites aux femmes dans le pays. Contre la pratique sportive féminine, la hiérarchie religieuse ultra-conservatrice met en avant les incompatibilités entre la loi islamique et les règles des Jeux Olympiques, à commencer par les questions vestimentaires.

“En Arabie saoudite, il y a une virulente opposition à toute émancipation féminine par le sport, de toute façon réservé aux hommes. A tous les niveaux, depuis le sportif de base ou l’élève à l’école primaire jusqu’à l’athlète, la pratique féminine est impossible”, déplore Jean-Marie Fardeau, le directeur du bureau français de Human Rights Watch.

“Le ministère saoudien de l’Éducation refuse la tenue de cours d’éducation physique pour les filles dans les écoles publiques, ainsi que leur inscription dans un club de sport. Aucune licence de construction de gymnases pour les femmes n’est accordée. Ni le Comité national olympique saoudien, ni les fédérations sportives saoudiennes, ni les 153 clubs de sports du pays réglementés par le ministère ne sont dotés d’une section féminine.”

Contradictions, rumeurs et démentis

La décision d’hier vient contredire la position que défendait jusque-là l’Arabie saoudite et selon laquelle aucune femme ne serait envoyée. Le doute avait plané pendant plusieurs mois à cause des déclarations contradictoires du président du Comité olympique saoudien, le prince Nawaf Ben Fayçal. «Après avoir indiqué que son pays enverrait des saoudiennes qui ont pu s’entraîner à l’étranger, le prince est revenu sur cette annonce, affirmant que le Royaume ne cautionnerait aucune participation féminine», commente Clarence Rodriguez-Vial, correspondante à Riyad depuis 8 ans.

”Il y avait notamment des rumeurs sur la participation de Dalma Rushdi Malhas, une cavalière saoudienne de 18 ans, résidant à Londres où elle fait ses études. Mais lors d’une conférence de presse le 15 juin dernier, le Président du conseil d’administration du fonds équestre saoudite a fermement démenti ces rumeurs”, explique Clarence Rodriguez-Vial avant d’insister, “Il a clairement dit qu’il n’y aurait pas de Saoudienne à Londres.”

De son côté, le Comité international olympique (CIO) laissait entendre qu’un retournement de situation était toujours possible, même quelques semaines avant le début de la compétition. Emmanuelle Moreau, la porte-parole du CIO, certifiait que des discussions étaient toujours en cours avec le Royaume saoudien et restait convaincue que “l‘Arabie saoudite œuvrait pour que des femmes fassent partie des athlètes.”

Loin d’être l’unique pays sous loi islamique, l’Arabie saoudite était encore la seule à bloquer sur la question. Son exception était d’autant plus visible que le Qatar venait de donner un signe encourageant en affirmant qu’il y aurait bien une délégation féminine qatarie à Londres.

“Les pas du diable”

Pointée du doigt et en proie à des pressions croissantes de la communauté internationale, l’Arabie saoudite est revenue sur ses déclarations. Des officiels saoudiens ont expliqué que la seule athlète qui réponde aux critères pour l’instant est la cavalière de saut d’obstacle Dalma Rushdi Malhas. Ils ont ajouté qu’il serait possible pour d’autres de participer, si elles se qualifiaient. Ce dont Jean-Marie Fardeau, directeur du Bureau français de l’ONG Human Rights Watch, doute très fortement.

“Un mois avant les Jeux, aucune autre athlète saoudienne n’a le temps de se qualifier. Mais cette annonce est une bonne nouvelle. Nous sommes contents d’avoir fait bouger les lignes. Le rapport que nous avons publié en février dernier “Les pas du diable”, dans lequel nous dénoncions la discrimination faite aux femmes quant à la pratique du sport, a compté.”

Mais Jean-Marie Fardeau, même s’il se réjouit de l’ouverture d’une “brèche significative dans le mur jusque-là solidement dressé“, ne veut pas se laisser berner. “C’est l’occasion d’ouvrir la pratique du sport aux femmes en Arabie saoudite. Une participation féminine aux JO n’est pas suffisante.” Et qui plus est la participation d’une seule femme. C’est pour cette raison que Clarence Rodriguez-Vial reste très méfiante.

“Les organisations comme Human Rights Watch et la Ligue du droit international des femmes demandaient au CIO la disqualification de l’Arabie saoudite si elle ne présentait pas de délégation féminine. Une personne ne représente pas une délégation ! C’est un geste purement politique et stratégique qui est très insuffisant. Ce n’est même pas encore officiel. Depuis le mois de mars, on nous fait croire n’importe quoi, j’attends que le CIO confirme.”

Faire du sport librement

Et même s’il y a des Saoudiennes aux JO de Londres, pourront-elles défiler avec la délégation masculine? Occuperont-elles la même place que les hommes? Ces questions restent en suspend. Pour Clarence Rodriguez-Vial, qui réalise en ce moment un reportage sur les Saoudiennes et le sport, le combat va plus loin : “Pour être cohérent, il faut que cette annonce s’inscrive dans un processus plus large. Ce que les Saoudiennes veulent, c’est faire du sport librement. Elles seront prêtes pour les JO seulement quand elles auront pu s’entraîner normalement“.

Annie Sugier, auteure de “Femmes voilées aux Jeux Olympiques” et présidente de la Ligue internationale du droit des femmes, ne se contente pas de l’annonce d’hier pour d’autres raisons.

“Si athlètes féminines saoudiennes il y a, elles devront porter un hijab (NDLR : vêtement qui couvre les cheveux mais pas le visage). Le CIO se soumet aux exigences islamiques de stigmatisation du corps féminin et bafoue ainsi la Charte olympique.”

Celle qui préfère ne pas voir de femmes du tout dans les compétitions internationales plutôt que des femmes voilées, ne décolère pas. Ainsi, elle a décidé d’aller à Londres pour mener une action symbolique bien particulière. “Nous mettrons la Charte olympique dans un cercueil pour montrer au CIO qu’il a trahi sa mission en ne garantissant pas les valeurs de l’olympisme.”

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par Caroline Conte

le 25 juin 2012

http://www.lesinrocks.com/2012/06/25/actualite/ou-sont-les-saoudiennes-pas-en-preparation-des-jo-de-londres-en-tous-cas-pas-aux-jo-de-londres-en-tous-cas-11272239/

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