Prostitution, le débat est relancé

Prostitution, le débat est relancé

Prostitution, le débat est relancé

En évoquant dans le JDD son souhait de voir “disparaître” la prostitution, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a remis sur le dossier sur la table. “Il va falloir s’en donner les moyens financiers et législatifs”, explique au JDD.fr la porte-parole du Collectif national pour le droit des femmes, Suzy Rojtman.

Abolitionnistes contre réglementaristes. Les propos tenus par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, dans le JDD ont replacé le dossier de la prostitution au coeur du débat. Dimanche, cette dernière a réaffirmé la position “abolitionniste” de la France. Des propos qui s’inscrivent dans la lignée de la résolution parlementaire votée en décembre 2011, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, par les députés. Et qui correspondent également à une promesse de campagne de François Hollande. En mars dernier, dans une interview au site seronet.info, l’actuel chef de l’Etat affirmait vouloir supprimer le délit de racolage passif, institué en 2003 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. Mais il avait également appelé à ouvrir “une réflexion” sur “la pénalisation des clients”. En France, avoir recours à une prostituée n’est pas un délit. Par contre, le racolage et le proxénétisme sont interdits.

Plusieurs associations – qui réclament l’abrogation de la loi sur le racolage passif – ont salué la prise de parole de la ministre. Elle “s’est courageusement positionnée (…) en reconnaissant que la prostitution est une violence faite aux femmes et qu’il est temps d’agir pour l’abolir dans les faits”, s’est ainsi réjoui dimanche l’organisation Osez le féminisme, tout en rappelant le vote de l’année dernière. A l’époque, le texte – déposé par la socialiste Danielle Bousquet et défendu par Guy Geoffroy (UMP) – avait notamment pour objectif de “battre en brèche les idées reçues qui laissent croire qu’elle est une fatalité” et “réaffirmer la détermination de la France à lutter” contre la prostitution.
“Espérons qu’elle aura les moyens de sa politique”

La résolution adoptée en 2011 affirmait également le principe de la responsabilisation du client. “Ce que je souhaite, c’est mettre le client face à ses responsabilités”, déclarait Danielle Bousquet, la présidente de la mission parlementaire contre la prostitution et la traite des personnes, en mars 2011 dans Le Télégramme.

“Espérons qu’elle (la ministre) aura les moyens de sa politique”, a pour sa part indiqué lundi la vice-présidente de l’Amicale du Nid, Ernestine Ronai, qui défend la mise en place de “solutions alternatives” pour “accompagner les prostituées vers la sortie”. Même souhait du côté du Collectif national pour le droit des femmes. “Il va falloir s’en donner les moyens financiers et législatifs”, explique l’une de ses porte-parole, Suzy Rojtman, contactée par leJDD.fr. Elle prône l’abolition des lois sur le racolage – passif et actif – ainsi qu’une “grande campagne d’éducation de la population” et une modification de la loi de sécurité intérieure, qui acte de “porter plainte contre les réseaux pour pouvoir avoir des papiers”.
Vers un renforcement de la clandestinité?

Mais tous ne voient pas d’un bon œil la sortie de Najat Vallaud-Belkacem. “Quand on veut supprimer la prostitution, ça veut dire supprimer quelques milliers de professionnel(le)s, ça veut dire mettre quelques milliers de personnes à la rue”, a dénoncé à l’AFP la porte-parole du “Collectif du 16e arrondissement”, qui rassemble les indépendantes du Bois de Boulogne et demande à rencontrer la ministre et son homologue de l’Intérieur, Manuel Valls.

Déjà en fin d’année dernière, le Syndicat du travail sexuel (Strass) ainsi que le collectif Droits & Prostitution et Act Up-Paris s’étaient insurgés contre la résolution parlementaire. “Pénaliser le client, c’est attenter à la dignité des femmes”, écrivaient-ils alors dans un communiqué. “L’invisibilité de la prostitution signifierait-elle sa disparition? Bien au contraire, l’invisibilité est symptomatique d’un renforcement de la clandestinité et de la précarité des prostituées”, ajoutaient les collectifs.

“Le risque est de voir se développer plus encore dans la clandestinité qu’aujourd’hui cette activité qui est répréhensible et donc de renvoyer des femmes à leur sort (…) dans des endroits où elles seront plus éloignées des centres de soin et de prévention”, a pour sa part affirmé lundi sur Europe 1 le député socialiste Olivier Faure, tout en parlant d’une “attention louable”. “Ce n’est pas le bilan fait par les pays abolitionnistes, comme la Suède”, argue pour sa part Suzy Rojtman, qui tient à rappeler que “très peu de personnes choisissent la prostitution”.
“Il faut prendre le problème à bras le corps”

Le dossier de la prostitution revient régulièrement sur le devant de la scène politique. Sans réellement trouver d’issue. En mars 2011, Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités, s’était ainsi dite favorable à la pénalisation des clients des prostituées. “Il y a une complaisance à parler de la prostitution, comme c’est souvent le cas avec les discriminations envers les femmes. Il est temps que cela cesse”, affirmait-elle à l’époque dans une interview au Parisien.

“La France est abolitionniste depuis 1960 mais elle n’a jamais vraiment mis en œuvre une politique abolitionniste. Elle laisse aux associations tout le boulot de réinsertion” notamment, affirme la porte-parole du Collectif national pour le droit des femmes, qui confie que l’idée d’une “conférence de consensus” évoquée par la ministre socialiste l’a fait “un peu sourire”. “Entre qui et qui? Cela fait un bon moment qu’on milite pour nos idées et qu’on n’a jamais réussi à se mettre d’accord avec les réglementaristes”, s’interroge-t-elle, parlant de positions “assez incompatibles”. Avant de conclure : “Il ne suffit pas de faire des déclarations, il faut des actes et que les moyens suivent. Il faut prendre le problème à bras le corps.”

Anne-Charlotte Dusseaulx – leJDD.fr

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