Les enseignements du 1er manifeste contre le viol

Les enseignements du 1er manifeste contre le viol

Les enseignements du 1er manifeste contre le viol

8 juin 2012

Aujourd’hui, certains ont des idées bizarres : reprendre des actes politiques d’il y a 40 ans pour coller des témoignages sur le viol et faire une opération de communication…qui décidément, ne nous permettra pas dire haut et fort que le viol est un fait de société…pire qu’il est le pilier du système patriarcal…ainsi, un projet de nouveau manifeste des 343 où des victimes seraient amenées à dire publiquement qu’elles ont été violées – alors que seul l’agresseur devrait être en cause, est en préparation.

C’est une réaction à l’explosion de la parole sur les violences sexuelles que nous subissons, avec les affaires Strauss-Kahn, avec les campagnes (pas de justice, pas de paix) et les réactions des femmes, disant “nous ne nous tairons pas”. Ainsi, il vaut mieux éloigner le spectre d’une responsabilité collective, qui mettrait en cause la société, et les hommes qui sont les bénéficiaires du système, en “faisant du témoignage”. Deuxième possibilité, exotiser les violences sexuelles : beaucoup plus simple de parler du harcèlement sexuel en Egypte (le film bus 678 dont j’ai parlé ici) que de se mobiliser en France. Et les journalistes qui essaient de faire le lien, voient leurs interviews sur la situation en France (de moi pour pas de justice pas de paix), coupées au montage…

Du coup, cela donne envie de relire ce qui se disait au moment où le viol a été enfin criminalisé (et alors qu’il est constamment décriminalisé, par déqualification de viols en agressions sexuelles). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la radicalité du ton adopté alors n’a guère à voir avec ce qui est “audible aujourd’hui” (voir ici )

Par exemple, le point n°2, qui est plus que jamais vrai, pouvait alors être dit clairement dans un texte féministe, qui énumère ce qu’est le viol en 6 points :

“C’est l’expression de la violence permanente faite aux femmes par une société patriarcale. Tout homme est un violeur en puissance. Nous sommes sans cesse en butte aux agressions sexuelles manifestes ou déguisées. La chasse aux femmes est ouverte tout l’année 24h/24h”.

Aujourd’hui, quand on exprime la même idée, on passe pour traîtresse à l’humanité (celle des hommes), comme coupable de généralisation abusive…comme s’il fallait absolument que des femmes, féministes, protègent la caste dominante, au mépris de la sororité pour l’immense majorité du vécu de l’immense majorité des femmes…encore une fois, sauf si c’est en Egypte que cela se passe…

4-Le viol n’est pas une loi de la nature.

Il est l’acte physique et culturel sur lequel est fondée la société patriarcale qui ne pouvait vivre sans l’appropriation et l’exploitation du corps des femmes, de leurs forces de production et de reproduction. Poussé par la nécessité de légitimer cette appropriation, le patriarcat a produit le mythe imbécile d’une sexualité masculine “irrrépressible”, “incontrôlable”, “irrésistible”, “urgentisseime”, en un mot, “virile”.

Même cela, 40 ans après, est attaqué systématiquement par ceux qui voudraient à tout prix faire du profit et renforcer les privilèges des hommes…et qui présente cela comme révolutionnaire ! (voir ici )

5-Le viol n’est ni un désir ni un plaisir pour les femmes

Quand une femme dit non, ce n’est pas oui, c’est non. L’impérialisme de la sexualité masculine chercher à se justifier en fabriquant une sexualité féminine passive, masochiste, entièrement soumise aux initiatives des hommes, ce qui permet de persuader tous les hommes (et même certaines d’entre nous) que le viol peut être “recherché”, “provoqué”, “consenti”, et pourquoi pas, source de jouissance. Autrement dit qu’un viol n’est pas un viol.

Hier dans une discussion de féministes radicales, nous nous disions que seul le backlash pouvait expliquer que des actes de violences aussi barbares que les tortures sexuelles que montrent la plupart des films pornos, filmés du point de vue exclusif du pénis des hommes (la caméra est située à ce niveau là en “subjectif”), puissent laisser à ce point indifférents les hommes qui semble-t-il sont une immense majorité à en regarder au moins régulièrement, et le défendent comme quelque chose de tout à fait “inoffensif”. Alors même qu’on voit des femmes hurler, crier leur souffrance, dans des tortures juste inimaginables, mais qu’en même temps les violeurs affirment “tu jouis, c…” ou ce genre de choses. (il faut savoir que des médecins pratiquent des anesthésies sur des actrices pornos en guise de dissociation pendant les tournages de certains films !!!). En fait, c’était déjà la même analyse, il y a 40 ans. Mais on ne peut que constater que toujours, malgré ces analyses, et les dénonciations des féministes à travers le monde, que le situation ne fait qu’empirer…

6-Le viol n’est pas un destin

Nous en avons assez d’être violées et d’avoir peur de l’être. A droite comme à gauche, ils s’accordent pour justifier le viol. A droite, ils nous disent que le viol est le fait de psychopathes, d’immigrés, d’alcooliques, d’anormaux, d’obsédés sexuels. A gauche, ils nous disent que le viol est le résultat de la misère sexuelle et qu’il faut nous laisser violer au nom de la lutte contre le capital. Nous ne nous laissons plus culpabiliser, nous n’avons plus honte de dénoncer le viol et de lutter contre les violeurs. Nous refusons qu’une femme victime d’un viol soit transformée en accusée par la justice. Nous savons maintenant que la lutte contre la violence patriarcale est irréversible, que des femmes de plus en plus nombreuses commencent à chercher, à inventer des alternatives aux seuls modèles de relations que les hommes proposente : ceux du VIOL.

Probablement c’est vrai, le mouvement est-il irréversible. Nous savons aujourd’hui que la force du patriarcat est qu’il se réinvente en permanence, en utilisant nos arguments, en pratiquant le renversement, en adoptant le comportement type de l’agresseur : “la victime, c’est la coupable”, comme le dit Muriel Salmona, comme le disait ce manifeste

Alors que faire ? Il nous faut anticiper les stratégies du système destinées à nous faire taire, il faut occuper l’espace et ne pas craindre un discours clair : NOUS VOULONS SORTIR DE LA SOCIETE DU VIOL.

Pour cela, il nous faut, comme le dit l’une d’entre nous, Typhaine Duch : “Être radicale, ou faire des compromis avec l’ennemi. Se compromettre avec l’agresseur, ou se promettre à ses soeurs…
Il faut choisir”.

Car l’agresseur, c’est le système de domination qui régit la société. Et la question qu’il faut se poser, c’est : qui, politiquement, en bénéficie, sinon cette caste des hommes, construite socialement, pour dominer, posséder, disposer de la caste des femmes…

Et si le mot “soeur” vous choque, regardez les frontons de toutes nos mairies, et demandez-vous si jamais, celui de frère dans fraternité vous a choqué…

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