La Conférence sociale pour l’emploi doit traiter de l’emploi des femmes !

La Conférence sociale pour l’emploi doit traiter de l’emploi des femmes !

La Conférence sociale pour l’emploi doit traiter de l’emploi des femmes !

Le Monde.fr

Par Esther Jeffers, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac,

Christiane Marty, ingénieure, membre du bureau de la Fondation Copernic

Le gouvernement a programmé en juillet une grande Conférence sociale
pour l’emploi, réunissant les partenaires sociaux. Au menu, figure
particulièrement l’emploi des jeunes et des seniors. Mais pas l’emploi
des femmes. Si la formation d’un gouvernement paritaire et la création
d’un ministère des droits des femmes avaient donné un signal positif
pour les féministes, l’absence du thème de l’emploi des femmes en tant
que tel dans une Conférence dédiée à l’emploi contrarie fortement ce
premier signal.

Faut-il rappeler que les femmes constituent près de la moitié de la
population active, mais plus de la moitié des chômeurs ? Qu’elles
forment le gros du bataillon des travailleurs pauvres et des précaires ?
Qu’elles représentent 82 % des salariés à temps partiel ? Les femmes
sont près de deux fois plus souvent au SMIC que les hommes. Malgré une
progression continue, leur taux d’emploi reste inférieur de près de 10
points à celui des hommes, sans autre raison que la persistance des
stéréotypes sexistes. Leur salaire moyen est inférieur de 27 % à celui
des hommes et de 19% si on ne considère que les emplois à temps complet.

L’écart salarial entre les sexes ne diminue plus depuis le milieu des
années 1990, malgré l’existence de plusieurs lois pour l’égalité
salariale et d’un accord national interprofessionnel signé en 2004 par
toutes les confédérations syndicales et par le Medef : cet accord
reconnaissait qu’au moins 5 points de l’écart de salaires est imputable
à de la discrimination et portait un engagement formel à une réduction
significative de l’écart de rémunération, y compris par des “actions
spécifiques de rattrapage progressif” des rémunérations des femmes.
Mesures indispensables mais qui n’ont été qu’exceptionnellement mises en
œuvre.

De plus, alors que les femmes ont déjà des pensions en moyenne très
inférieures à celles des hommes, la loi de 2010 sur les retraites les a
particulièrement pénalisées à travers le recul des deux bornes d’âge et
la confirmation de l’allongement de la durée de cotisation exigée. La
Commission européenne, qui pourtant encourage ces réformes sur les
retraites, attire en même temps l’attention sur le risque plus élevé de
pauvreté pour les retraités et particulièrement pour les femmes !

L’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas seulement un objectif
de justice sociale, ce qui serait en soi suffisant pour la placer au
rang des priorités politiques. C’est aussi un moyen de relancer l’emploi
et l’activité économique, ce qui reste encore méconnu ou négligé. Pour
ne prendre qu’un exemple, avoir un objectif de taux d’emploi des femmes
égal à celui des hommes implique de créer des emplois visant à
satisfaire les besoins sociaux, en termes de modes de garde pour les
jeunes enfants et de services auprès des personnes dépendantes. C’est en
effet le manque de disponibilité de ces services qui constitue
l’obstacle principal à l’emploi des femmes, ou qui les contraint à se
satisfaire d’un emploi à temps partiel. Le développement de tels
services et de crèches publiques est à même d’initier un cercle vertueux
autour d’une relance d’activités tournées vers la satisfaction des
besoins sociaux, favorable à l’égalité entre les sexes, et représentant
un fort potentiel de création d’emplois (non délocalisables). La
qualification des métiers de ces secteurs doit être reconnue, et ils
doivent sortir du label “féminin” pour s’adresser aux hommes comme aux
femmes.

L’OCDE vient d’ailleurs de le reconnaître dans un long rapport qui
montre en quoi s’attaquer aux inégalités entre les femmes et les hommes
permet de stimuler la croissance. Ce rapport souligne que “l’égalité des
sexes en matière d’éducation, d’emploi et
d’entrepreneuriat” engendrerait de nouvelles sources de croissance
économique,”croissance à long terme, solide, durable et bénéfique pour
créer une société plus juste”. En décembre 2009, c’était la Commission
européenne qui publiait un rapport affirmant le potentiel de l’égalité
entre les femmes et les hommes pour sortir de la crise. Était citée une
étude récente d’experts établissant que “l’élimination des disparités
entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’emploi pourrait
entraîner une croissance du PIB de l’ordre de 15 à 45 %” selon les pays,
et 20 % pour la France. Fait notable, la Commission soulignait aussi
que “la qualité de l’emploi est le meilleur rempart contre la pauvreté
et l’exclusion sociale”.

L’objet ici n’est pas de discuter de ce chiffre qui, même s’il était
surévalué, n’en témoigne pas moins de l’impact potentiel de l’égalité
entre les sexes. Il n’est pas non plus de valider la croissance du PIB
comme étant un objectif en soi. Nos préoccupations se fondent sur la
légitimité, pour l’intérêt collectif, d’une activité économique
satisfaisant prioritairement les besoins sociaux et environnementaux.
Cela implique le lancement urgent de politiques pour réaliser
concrètement l’égalité femmes-hommes. C’est pourquoi la dimension de
l’emploi des femmes doit être inscrite en tant que telle à l’agenda de
la Conférence sociale et les associations qui travaillent sur ces thèmes
doivent y être associées.

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